Noël 2015. Un Noël pas comme les autres pour les élèves des écoles publiques et privées de la capitale camerounaise. Pour cause, les cérémonies solennelles d’Arbre de Noël, si gaies connaîtront un bien triste sort au nom de la lue anti-terroriste. A la place du joyeux tintamarre et des voix guillerees de nos petits lutins, une série de mesures de sécurité drastiques, qui ne laissent indifférents, ni les parents, ni le personnel enseignant. Tour d’horizon.
Les interdictions Le début de l’année scolaire 2015- 2016 a été marqué par une série de restrictions mise en place dans le but de renforcer les mesures de sécurité dans les écoles, dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. Dès le début d’année, Madame la Ministre de l’Education de Base a tenu un discours ferme dans lequel elle exigeai des établissements un état d’alerte permanent et des mesures de sécurité concrètes telles l’acquisition de détecteurs de métaux, la fouille systématique à l’entrée ou encore le port de badges nominatifs par les élèves ou les parents qui viendraient les chercher à la sortie des classes.
Les regroupements faisant partie de la routine scolaire tels la levée des couleurs ou les rassemblements du vendredi, furent également interdits. La plupart de chefs d’établissement ont vécu cette période dans un état de psychose compte tenu des attaques répétées de la secte Boko Haram dans le Nord du pays et des rumeurs grandissantes d’éventuelles attaques suicide dans les capitales du pays. Jacques, directeur d’une école de l’arrondissement de Yaoundé Ier nous confie :
« chaque fois que je regardais le journal télévisé et qu’on annonçait une énième attaque à Kolofata ou Maroua, j’avais du mal à trouver le sommeil. Je n’arrêtais pas de me dire, et si ces gens arrivent à Yaoundé, on fait comment ? J’avais d’autant plus peur que mon école se trouve près d’un marché. C’est vraiment difficile de se voir confier la mission d’encadrer et protéger des centaines d’enfants dans des conditions pareilles. Mais toutes ces précautions s’imposent vraiment. Les parents se sentent également rassurés de savoir que nous prenons le problème au sérieux. ».
A l’approche des départs en congés de Noël, de nouvelles mesures ont été annoncées à savoir la recommandation d’annuler toutes cérémonies d’arbre de Noël dans les établissements primaires et maternelles. Dans la foulée, certaines institutions, tel l’Inspection d’arrondissement de Yaoundé IV, ont décidé d’interdire les cérémonies d’Arbre de Noël dans l’ensemble des écoles de leur arrondissement. D’autres par contre, se sont contentés d’exiger des chefs d’établissement, le renforcement de la sécurité par le recrutement obligatoire d’agents de sécurité ou de la police pour la cérémonie et une demande d’autorisation préalable auprès du préfet. Par conséquent, de nombreux fondateurs ne voulant pas se soumettre à ces contraintes qui entraînaient un coût financier imprévu, ont purement et simplement décidé d’annuler ou réduire la solennité de l’événement. Au grand désespoir de certains parents. Du solennel au discret : comment raviver l’euphorie ? Annie, maman de la petite Mélanie, 4 ans, a reçu une note de la direction de l’école de sa fille une semaine avant le grand jour.
« La directrice nous annonçait que la cérémonie d’Arbre de Noël n’aurait pas lieu, mais que les enfants pourraient tout de même chanter, danser dans leur classe et ensuite recevoir leurs cadeaux. J’ai été un peu déçue et ma fillette encore plus. J’aurais bien voulu la voir en scène réciter devant toute une assemblée, d’autant plus qu’elle s’exprime bien pour son âge. Ce sont de beaux moments qui nous font réaliser que notre bébé a grandi. Mais j’ai aussi fini par comprendre que c’est pour la sécurité de nos enfants » déclare-t-elle, le regard attendri.
La déception d’Annie est partagée par plusieurs parents qui assistent tous les ans à cette cérémonie pour congratuler leurs enfants, leurs proches ou tout simplement partager ce moment de bonheur avec les enseignants de leur progéniture. L’euphorie ambiante a d’ailleurs très souvent le mérite d’attirer les passants et les badauds qui ne manquent pas d’applaudir le génie de ces petits trésors. De leur côté, les enseignantes ont tenu à rester sereins et à organiser la fête avec certes plus de discrétion mais tout autant de gaieté et d’originalité. Sidonie, maîtresse d’une classe de Grande section dans une école privée à Ekoumdoum, s’est empressée de rassurer ses élèves : « Nous allons nous amuser comme d’habitude mais seulement ce sera dans notre salle de classe et le Père Noël sera la pour distribuer les cadeaux, alors soyez tous beaux demain matin… » . Cette nouvelle a ravit mes élèves, rajoute t-elle. « Mes collègues et moi avons décoré nos classes avec des couleurs vives et des thèmes de Noël. Nous avons acheté de jolies sacs-cadeaux pour leur goûter et avons sé- lectionné quelques élèves pour les récits et comptines. Au final, je crois que ce sera une belle journée. » Conclue t-elle en ajustant au passage, sa dernière guirlande. Restaurer un Noël chaleureux en famille Malgré les multiples tentatives d’expliquer l’urgence et la nécessité de cette mesure aux parents, cette décision courageuse restera tout de même en travers de la gorge de quelques parents récalcitrants. Le changement n’est pas toujours bien accueilli par tous, même lorsqu’il est nécessaire. Jacques, qui est directeur d’école primaire depuis 15 ans, estime nécessaire de remettre cette question à l’ordre du jour, lors de sa prochaine réunion de parents d’élèves en Janvier 2016. En bon pédagogue, il a déjà entrepris de prodiguer quelques conseils aux parents lors de la remise des bulletins : « Je leur dis à tous, de restaurer un Noël chaleureux en famille s’ils n’ont pas l’habitude de le faire. Car après tout, à travers la Nativité, nous célé- brons avant tout la famille. ». Qui dit mieux ?
Françoise ESSANGUI