L’éducation en question

Apprendre à lire, à écrire, à calculer, cultiver sa mémoire, passer des examens, acquérir certaines capacités ou spécialités afin de trouver du travail. Est-ce cela l’éducation ?

Il est en effet essentiel d’avoir des moyens corrects de gagner sa vie, mais est-ce là la totalité de la vie ?

La vie s’étend du moment de notre naissance à celui de notre mort, et peut-être au-delà. La vie est un tout immense et complexe, semblable à une maison où tout aurait lieu en même temps. Nous aimons et nous haïssons ; nous sommes avares, envieux, tout en ayant le sentiment que nous ne devrions pas l’être. Nous sommes ambitieux, et il y a soit la frustration soit la réussite qui suivent le cortège de l’anxiété, de la peur et de l’âpreté. Et tôt ou tard apparaît le sentiment de la futilité de tout cela. Et il y a aussi les horreurs sauvages de la guerre, et de la paix obtenue par la terreur. Il y a le nationalisme et la souveraineté qui entretiennent la guerre. Il y a la mort au terme du chemin de la vie, et parfois quelque part au long de ce chemin, il y a la quête de Dieu, avec ses croyances conflictuelles et les querelles entre les religions organisées. Il y a la lutte à mener pour trouver du travail et le garder, il y a le mariage, les enfants, la maladie, la prédominance de la société et de l’Etat. C’est tout cela la vie, et c’est bien plus encore. Et c’est dans ce vaste gâchis que l’on nous lance. En général, nous nous noyons dans ce désordre, perdus et misérables ; et si nous survivons en parvenant à atteindre le sommet, nous faisons toujours partie du gâchis général. C’est cela que nous appelons la vie : un combat incessant et douloureux, avec un éclat de joie occasionnel. Recevons-nous une éducation qui nous permette de faire face à cette affaire compliquée nommée la vie ?

Chacun dit qu’il lui faut faire son chemin dans la vie, chacun ne pense qu’à lui, que ce soit au nom des affaires, de Dieu ou du pays. Nous voulons devenir célèbres, et c’est aussi ce que veut notre voisin, et le voisin de ce dernier. Et c’est ainsi que nous construisons des sociétés qui reposent sur l’ambition, l’envie, le désir d’acquérir, dans lesquelles tout homme devient« l’ennemi » de son semblable. Et notre « éducation » vise à nous adapter à cette société en pleine désintégration.

Nos parents, nos éducateurs, nos politiques, tous se préoccupent de notre efficacité à venir et de notre sécurité matérielle. Les politiques veulent faire de nous des bureaucrates capables de diriger l’Etat, des travailleurs qualifiés de l’industrie qui maintiendront l’économie du pays, et des soldats bien entraînés pour tuer « l’ennemi ». Nos parents veulent que nous soyons de « bons citoyens », ce qui veut dire être respectablement ambitieux, ne jamais cesser de vouloir acquérir et donner libre cours à cette âpreté au gain socialement reconnue que l’on nomme « la compétition », afin qu’eux-mêmes et nous  connaissions la sécurité matérielle et psychologique. Il est évident que cette « éducation » que l’on nous dispense ne nous forme absolument pas à faire face aux complexités de la vie ; nous débutons dans la vie sans y être préparés et en général, elle nous engloutit.

Les personnes plus âgées disent qu’il nous appartient à nous, la nouvelle génération, de créer un monde différent, mais elles n’en pensent pas un mot. Bien au contraire, elles s’appliquent avec beaucoup de soins et d’attention à nous fournir une « éducation » qui ne vise qu’à nous adapter aux structures millénaires, en ne les modifiant que très légèrement. Contrairement à leurs discours, les professeurs et les parents avec l’appui du gouvernement et de la société dans son ensemble, font en sorte de nous apprendre à nous plier à la tradition, et à accepter l’ambition et l’envie comme étant des façons de vivre naturelles et normales ; c’est en cela que l’éducateur lui-même aurait également besoin d’être éduqué.

Une éducation différente et correcte nécessite d’avoir conscience d’un fait très simple : à savoir que ni le gouvernement, ni nos enseignants actuels ni même nos parents n’ont le moindre désir ni ne sont outillés pour nous fournir une éducation correcte ; de sorte que si nous voulons une telle éducation, il s’agit de nous en occuper nous-mêmes.

L’éducation est quelque chose de plus profond et de plus vasque que le simple fait de réunir des informations. L’éducation c’est cultiver l’esprit de sorte à le libérer de l’égo, c’est apprendre au long d’une vie à briser les murs élevés par l’esprit afin d’assurer sa propre sécurité, et qui donnent naissance à la peur et toutes ses complexités. L’éducation correcte conjugue : Etudier suffisamment avec ; Faire du sport, non pour triompher des autres mais pour le plaisir du corps ; Manger correctement pour maintenir une bonne forme physique ; Garder l’esprit ouvert et vif, capable d’appréhender diverses situations de la vie, non en tant que communiste ou chrétien, mais en tant qu’être humain ; et surtout Se comprendre soi-même et apprendre éternellement sur soi-même.

Tcheutchoua Nkuitché

Psychologue (LesAteliersPSY)

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